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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/141

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

nes historiques (Isabel de Bavière), et, comme on va voir, la chose m’avait assez mal réussi, ou allait assez mal me réussir. On a de ces veines-là.

J’avais publié mes Scènes historiques dans la Revue des Deux Mondes ; de sorte que personne ne les avait lues. En mon absence, Anicet Bourgeois et Lockroy eurent l’idée de réunir ces scènes, et d’en composer un drame sous le titre de Perrinet Leclerc. C’était bien de l’honneur qu’ils faisaient à ces bribes d’histoire éparpillées sans prétention dans une revue.

La pièce eut un grand succès.

Quoique j’en fusse au moins autant que du Fils de l’Émigré, on se garda bien de prononcer mon nom. Le Constitutionnel, qui, pour le premier ouvrage, avait arraché de ma figure le voile de l’incognito, l’épaissit, cette fois, de tout son pouvoir, et fit un grand éloge du drame.

Il y a plus : M. Lesur, dans son Annuaire, avait dit à propos du Fils de l’Émigré :


« Ce drame rappelle l’esclave ivre que les Lacédémoniens montraient à leurs enfants pour les dégoûter de l’ivrognerie, et doit ramener le public, si la chose est possible, à des idées plus pures et plus raisonnables en fait de littérature dramatique. Le but des auteurs était de mettre la corruption de la noblesse en opposition avec la vertu du peuple, et, partant de cette donnée, qui n’a plus de sens aujourd’hui, il n’est pas de vices, d’immoralités, d’infamies qu’ils n’aient accumulés dans leur émigré, le marquis de Bray, et dans son digne fils ; c’est un amas de turpitudes, une suite de scènes aussi fausses qu’ignobles, et dont il nous répugnerait d’entreprendre le récit. On avait passé à M. Dumas la Tour de Nesle ; mais, cette fois, le public n’a pas été aussi complaisant : il a sifflé, outrageusement sifflé, cette production monstrueuse, qui, dans toutes les parties de la salle, au parterre, dans les loges, dans les combles, a fait bondir le cœur de dégoût, et détourner les yeux d’horreur. Il faut espérer que cette leçon sévère et méritée engagera l’auteur d’Henri III, de Christine, d’Antony,