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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/151

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

homme sur lequel on pouvait compter, et capable de remplir avec intelligence les missions les plus importantes et les plus délicates. Il le lui signalait pour qu’elle pût en disposer avec une entière confiance lorsque l’occasion se présenterait. — Elle ne tarda pas à s’offrir.

Au moment où la duchesse préparait sa descente en France, Deutz arriva à Massa, et se présenta à Madame pour lui offrir ses services ; il venait de Rome, et allait en Portugal remplir diverses missions que lui avait confiées le saint-père, entre autres celle de prendre, à son passage à Gênes, une dizaine de jésuites, et de les conduire à dom Miguel, qui les avait demandés pour fonder un collège. Madame le reçut avec bonté, et, sachant qu’il traversait l’Espagne pour aller en Portugal, elle accepta ses offres avec plaisir et bienveillance, lui disant qu’elle profiterait de sa bonne volonté et de son dévouement, et lui ferait passer ses ordres en temps et lieu.

Elle avait alors une telle idée de la délicatesse de Deutz, et il avait su lui inspirer tant d’intérêt, qu’elle dit, un jour, à l’un des Français qui étaient près d’elle :

— Je crains que ce pauvre Deutz n’ait besoin d’argent ; je n’en ai pas moi-même en ce moment, et il est si délicat, que je n’ose lui donner à vendre ce bijou, qui vaut, je crois, six mille francs. Faites-moi le plaisir de le vendre, et de lui en donner l’argent, sans lui dire surtout ce que je suis obligée défaire pour m’en procurer.

Il partit donc pour sa mission, en passant par la Catalogne et Madrid, c’est dans cette ville, que, sur la recommandation d’un ministre plénipotentiaire des États italiens auquel le pape l’avait adressé, il obtint d’être présenté à un des princes de la famille royale d’Espagne, à qui il sut soutirer de l’argent, quoiqu’il en fût abondamment pourvu par les soins du saint-père et de la duchesse de Berry. Cette petite supercherie, dont il se vanta lui-même à son passage à Madrid, en revenant de Portugal, prouve que Deutz trahissait déjà à cette époque, et que tous les moyens lui étaient bons pour satisfaire sa soif de l’or.

Comme il voyageait sous les auspices de la cour de Rome,