Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
256
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

trouvait la clef au même endroit, pénétrait de la même façon-, mangeait le reste du poulet, buvait le reste du vin, levait la couverture à son tour, et se fourrait dessous ; — si un troisième suivait, même jeu pour la clef, même jeu pour la porte ; seulement celui-là, qui ne trouvait plus ni poulet, ni vin, ni place dans le lit, mangeait le reste du pain, buvait un verre d’eau, et s’étendait sur le canapé.

Et ainsi desuite.

Si le nombre grossissait outre mesure, les derniers venus tiraient un matelas du lit, et couchaient à terre.

Une nuit ; Rousseau arriva, le dernier, et compta quatorze jambes.

Ce fut dans cette chambre que Henry Monnier et Romieu se rencontrèrent pour la première fois et firent connaissance ; le lendemain, ils se tutoyaient, et se tutoyèrent jusqu’au jour où Romieu fut nommé préfet, et ne tutoya plus personne.

Le matin, on était assez souvent réveillé par une visite : c’était un brigadier aux gardes qui passait, et qui, en passant, venait voir l’état de la cave aux liqueurs de Ferdinand Langlé.

Ce brigadier aux gardes, que j’ài beaucoup connu, mérite une mention particulière.

Il se nommait Gauthier de Villiers.

C’était non-seulement un des plus braves, soldats de l’armée, mais encore un des plus vigoureux poignets de France. Le mot poignet s’étend ici au corps tout entier.

Qu’est devenu le capitaine Gauthier ? Je n’en sais rien. Je voudrais bien le revoir une fois encore, au risque qu’il me brisât le poignet en me serrant la main.

C’était le courage et la bonté de Porthos. Il n’eût, pour rien au monde, donné une chiquenaude à un enfant ; seulement, il avait plus d’esprit que M. de Pierrefonds.

Il avait servi dans les grenadiers à cheval de l’Empire ; il s’était fait faire un sabre particulier : quand il chargeait, et qu’il avait, d’outre en outre, traversé quelque cavalier ennemi, il l’enlevait de son cheval à la force du poignet, et le rejetait derrière lui comme il eût fait d’une botte de foin.