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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/267

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

venus d’un mauvais œil. Ils appelaient Eogène Sue le beau Sue.

Ce fut bien pis quand on vit, tous les soirs, venir les muscadins au théâtre, et que l’on s’aperçut qu’ils y venaient particulièrement pour lorgner la première amoureuse, mademoiselle Florival ! C’était presque s’attaquer aux autorités : le sous-préfet protégeait fort la première amoureuse.

Les deux Parisiens s’abonnèrent et demandèrent leurs entrées dans les coulisses. Desforges faisait valoir sa qualité d’auteur ; il avait déjà eu deux ou trois pièces jouées.

Eugène Sue était vierge de toute littérature et ne donnait aucun signe de vocation pour la carrière d’homme de lettres ; il était plutôt peintre : gamin, il avait couru les ateliers et dessinait, croquait, brossait.

Il y a trois ou quatre ans à peine, que je voyais encore, dans une des anciennes rues qui longent la Madeleine, rue aujourd’hui disparue, un cheval qu’il avait fait sur la muraille avec du vernis noir et un pinceau à cirer les bottes. Le cheval s’est écroulé avec la rue l

La porte des coulisses restait donc impitoyablement fermée ; ce qui donnait le droit incontestable aux Toulonnais de goguenarder les Parisiens.

Par bonheur, Louis XVIII était mort le 16 septembre 1824, et Charles X avait eu l’idée de se faire sacrer. La cérémonie devait avoir lieu dans la cathédrale de Reims, le 26 mai 1825. Maintenant, comment la mort de Louis XVIII à Paris, comment le sacre du roi Charles X à Reims, pouvaient-ils faire ouvrir les portes du théâtre de Toulon à Desforges et à Eugène Sue ?

Voici :

Desforges proposa à Eugène Sue de faire ce que l’on appelait à cette époque un à-propos sur le sacre.

Eugène Sue accepta.

L’à-propos fut fait et joué au milieu de l’enthousiasme universel. — J’ai encore cette bluette, tout entière écrite de la main d’Eugène Sue.