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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/33

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

» Nous étions en train de mordre à belles dents au milieu de nos miches, quand, tout à coup, nous entendons le cri « Nous sommes perdus ! »

» Alors, nous voyons, tandis que les défenseurs de la barricade tiennent encore, une douzaine de curieux comme nous qui se précipitent dans la maison pour y chercher des cachettes. Auguste et moi, qui y étions déjà, primes les devants, et, montant les escaliers quatre à quatre, arrivâmes bientôt au grenier.

» On sortait de ce grenier par une lucarne étroite ; un homme se tenait à califourchon sur le toit, et tendait un bras vigoureux à ceux qui voulaient passer de l’autre côté, ne craignant pas de tenter cette route aérienne.

» Auguste et moi n’hésitâmes pas un instant ; de toits en toits, nous gagnâmes une lucarne, et nous nous trouvâmes dans les mansardes d’une autre maison.

» Ceux qui habitaient cette mansarde nous aidèrent à entrer, au grand désespoir du propriétaire, qui criait dans les escaliers ;

» — Allez-vous-en, malheureux que vous êtes ! vous allez faire brûler ma maison !

» Mais, comme vous pensez bien, on ne s’inquiétait pas du propriétaire ; chacun emménageait comme il pouvait.

» Ce fut bien pis quand il vit deux ou trois combattants, noirs de poudre, arriver à leur tour avec des fusils à la main.

» — Jetez vos armes, au moins ! criait-il en s’arrachant les cheveux. .

» — Jeter nos fusils ? répondaient les combattants. Jamais !

» — Mais que comptez-vous faire ?

» — Nous défendre jusqu’à la mort.

» Et, comme ils n’avaient plus de balles, mais encore de la poudre, ils arrachaient les tringles des rideaux, et les glissaient dans le canon de leur fusil.

» Quant à nous, qui n’avions pas d’armes, et que le combat n’avait point transportés à ce degré d’héroïque exaltation, nous descendîmes jusqu’à la cave, pleine de caisses d’embal-