La conversation, posée sur de pareilles bases, entre un avocat et un roi parleur, menaçait de durer longtemps.
Un bruit sinistre, qui devait retentir plus d’une fois dans les rues du Paris sous le règne de Louis-Philippe, se fit entendre, et trancha la conversation par la moitié comme un coup de faux tranche en deux un serpent.
— Sire, est-ce que je me trompe ?… demanda Laffitte en tressaillant. C’est le canon !
— Oui ; … on l’a fait avancer, dit le roi pour forcer sans perdre trop de monde, le cloître Saint-Merri.
— Sire, reprit Laffitte, vous êtes moins sévère à l’égard des légitimistes qu’à l’égard des républicains.
— Comment cela ?
— Votre Majesté a pour eux de singuliers ménagements !
— Écoutez, monsieur Laffitte, dit le roi, je me suis toujours rappelé ce mot de Kersaint : « Charles Ier eut la tête tranchée, et son fils remonta sur le trône ; Jacques II ne fut que banni, et sa race s’éteignit sur le continent. »
Le roi ne se doutait pas qu’il prononçait alors contre lui et sa race, innocente des fautes qu’il a commises, une sentence de bannissement perpétuel.
— Sire, dit Arago, nous avions, cependant, espéré que, Casimir Périer mort, ce système de réaction et de persécution s’arrêterait.
— Ainsi, répondit le roi en riant, on attribue ce système au ministre ?
— Nous, du moins, sire, nous espérions qu’il était son œuvre.
— Vous vous trompiez, monsieur, dit le roi en plissant le front : ce système, c’est le mien ; M. Casimir Périer n’a été entre mes mains qu’un instrument ferme et docile à la fois comme l’acier ; ma volonté a toujours été, est à cette heure, et sera toujours inébranlable ; une seule fois, elle a fléchi, entendez-vous bien ? ajouta le roi. — Comme l’a dit M. de Salvandy, à ma fête du Palais-Royal, nous marchons sur un volcan : ce volcan, c’est la Révolution, dont les éléments sont répandus par toutes les nations de l’Europe ; mais toutes les