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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/12

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

un commis à cheval nommé Crétet. C’était un excellent garçon qui avait été sous les ordres de mon beau-frère. Il allait de maison en maison.

— Que cherchez-vous donc ? lui demanda ma mère.

— Je cherche une voiture, un cabriolet, une charrette, une berline quelconque pour y atteler mon cheval et partir, nous répondit-il. Mademoiselle Adélaïde ne veut pas rester plus longtemps à Villers-Cotterets.

Mademoiselle Adélaïde était une vieille demoiselle bossue, à la tête de quelques mille livrés de rente, pour laquelle je soupçonne Crétet d’avoir eu des bontés.

— Ah ! comme cela tombe ! s’écria ma mère ; c’est ce que nous venions chercher de notre côté. Voulez-vous que nous partions avec vous ? Vous êtes deux, nous sommes deux, nous voyagerons de compte à demi.

Il y a toujours quelque chose à gagner comme économie à voyager à quatre, au lieu de voyager à deux. L’offre fut acceptée. On trouva une charrette, peu ou point suspendue, et l’on décida que l’on partirait le même soir.

Ma mère revenait à Villers-Cotterets pour y prendre quelques hardes qui étaient nécessaires à notre voyage, et surtout pour tirer de son trou le fameux étui aux trente louis. Nous rentrâmes à la maison, toujours gardée par la Reine ; puis nous allâmes au jardin : nous reconnûmes l’endroit où nous avions enterré notre trésor. Je pris une bêche, et je me mis à fouiller.

À la troisième ou quatrième pelletée de terre, je commençai à être inquiet. Je regardai ma mère, et je vis que mon inquiétude était partagée.

Il n’était pas plus question de l’étui que s’il n’eût jamais existé.

Je m’assurai du point de repère, je mesurai les pas… Je ne m’étais aucunement trompé.

D’ailleurs, je me mis à bêcher tout autour du trou primitif, mais inutilement. Ce fut peine perdue. Je revins au centre, et continuai de creuser plus profondément.