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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Enfin, au bout d’un instant, on vit reparaître Bobino, l’oreille basse : il avait manqué le sanglier de ses deux coups, et le sanglier avait repris chasse, poursuivi par tous les chiens, dont on entendait les voix s’éloigner rapidement.

Nous le chassâmes tout le reste de la journée. Il nous mena à cinq lieues de là, au taillis d’Hivors, et nous n’en entendîmes jamais parler, quoique Choron eût fait savoir à tous les gardes de Villers-Cotterets non présents à l’accident, et même à tous ceux des forêts voisines, que si, par hasard, quelqu’un d’entre eux tuait un sanglier sans queue, et qu’il tint à avoir ce sanglier complet, il retrouverait cette queue à la boutonnière de Bobino.

La chasse, bien certainement, avait été plus amusante que si elle eût réussi ; mais elle n’avait aucunement rempli les intentions de l’inspecteur, qui avait reçu l’ordre de détruire les sangliers, et non de les anglaiser.

Aussi, lorsque nous nous séparâmes des gardes, M. Deviolaine indiqua-t-il une chasse pour le dimanche suivant, avec ordre de détourner d’ici là le plus de sangliers que l’on pourrait, afin que, si l’on faisait buisson creux sur une garderie, on pût se rejeter sur l’autre.

Tout en revenant avec M. Deviolaine, je le caressai si bien, qu’avec l’aide de mon beau-frère, qu’il aimait beaucoup, j’obtins de lui que je serais non-seulement de la chasse suivante, mais de toutes les chasses à venir, à moins que l’abbé Grégoire, mécontent de moi, ne vint mettre à mes plaisirs le fameux veto qui coûta si cher à Louis XVI.


XLIV


Les sangliers et les gardes. — La balle de Robin-des-Bois. — Le charcutier.

Le rendez-vous du dimanche fut fixé au regard Saint-Hubert, un des rendez-vous les plus usités, et, en même temps, un des plus charmants endroits de la forêt.