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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

pas en questions, et, moi, je ne me lassais pas, tant l’impression était profonde, de lui répéter dix fois le même détail.

Vers une heure de la nuit, nous nous endormîmes ; ce qui ne nous empêcha point d’être levés à sept heures du matin.

Toute la ville était en émoi.

Un voiturier de Villers-Cotterets, que j’avais dépassé à moitié de la montagne de Vauciennes, avait rencontré le cadavre, l’avait chargé dans sa charrette, l’avait ramené à la ville, et avait fait sa déclaration.


XLVII


Ce que c’était que l’homme assassiné, et ce que c’était que l’assassin. — Auguste Picot. — L’égalité devant la loi. — Derniers exploits de Marot. — Son exécution.

Le cadavre avait été conduit à l’hôpital, où il était exposé, — le juge de paix, le maire, ni le brigadier de gendarmerie, ne l’ayant reconnu.

Je voulus tout naturellement aller voir au jour ce qui m’avait fait si grand’peur la nuit. Ma mère me fit promettre de ne rien dire, sachant que, lorsque j’avais promis, je tenais parole.

Le cadavre était abrité sous un hangar, et couché sur une table.

C’était celui d’un jeune homme de quinze à seize ans. Il était vêtu d’un mauvais pantalon de toile bleue, d’une grosse chemise déchirée au ventre et ouverte sur la poitrine.

La blessure qui paraissait lui avoir donné la mort était une plaie transversale, ouvrant le crâne au-dessus du cervelet, et qui devait avoir été faite avec un instrument contondant.

Il avait les pieds et les mains nus. Ses pieds semblaient ceux d’un homme habitué à la marche ; ses mains, celles d’un homme habitué au travail.

Au reste, comme je l’ai dit, il était tout à fait inconnu dans le pays.

Deux jours s’écoulèrent, pendant lesquels chacun divagua