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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/18

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Cotterets, que ma mère y était parfaitement connue. Le même jour, nous étions installés.

Madame Millet avait deux fils et deux filles ; une de ces deux filles, nommée Amélie, eût été charmante, si elle n’eût perdu, par accident, un œil, qui restait constamment fermé, et qu’elle cachait par une grosse boucle d’admirables cheveux noirs.

La cadette est beaucoup moins présente à mon souvenir ; j’ai oublié jusqu’à son nom.

Restaient les deux fils, chirurgiens militaires comme leur père.

L’aîné avait déjà quitté le service depuis deux ou trois ans, et exerçait la médecine à Crépy.

L’autre était avec son régiment, on ne savait où. Au milieu de la débâcle générale, on n’avait pas entendu parler de lui depuis six semaines ou deux mois.

La pauvre mère et les deux sœurs étaient fort inquiètes de lui.

En traversant là principale place de Crépy, nous avions donné dans une espèce de bivac ; nous nous informâmes de cette garnison, plus dangereuse qu’utile dans une ville ouverte comme une halle, et nous apprîmes qu’elle se composait d’une centaine d’hommes d’infanterie et de deux cents hommes de cavalerie. Ce petit corps, égaré et privé de toute communication avec l’armée, s’était établi là, commandé par des officiers inférieurs n’ayant point d’ordres : il attendait les événements.

L’ennemi était tout autour de Crépy : à Compiègne, à Villers-Cotterets, à Levignan. Mais, par un hasard étrange, dont nous nous félicitions fort, Crépy était resté comme Péronne, je ne dirai pas inviolable, mais inviolé.

Au reste, nos deux ou trois cents hommes se gardaient à merveille ; ils avaient des vedettes de tous côtés, les fusils ne quittaient pas les faisceaux, les chevaux ne débridaient que pour manger.

L’activité de ces quelques hommes était remarquable, comparée à la négligence du duc de Trévise et de son corps d’ar-