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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/182

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Je poussai un soupir, et je me promis, à quelque prix que ce fût, d’avoir tout cela.


XLIX


Je franchis le Haha. — Il survient un accroc. — Les deux paires de gants. — La contredanse. — Triomphe de Fourcade. — J’en ramasse les miettes. — La valse. — L’enfant commence à devenir homme.

Nous accomplîmes la promenade obligée de tout bourgeois de la ville, ou de tout étranger qui vient la visiter : nous suivîmes la grande et magnifique allée de marronniers, toute chargée de fleurs, jusqu’à sa limite, c’est-à-dire jusqu’à un énorme saut de loup creusé à fleur de terre, et appelé le Haha, sans doute de l’exclamation qu’il arrache aux promeneurs ignorants de son gisement, et qui l’aperçoivent tout à coup.

Je crus que le moment était arrivé de rattraper un peu de ma supériorité perdue.

On sait que j’étais d’une certaine adresse ou d’une certaine force à tous les exercices du corps. Je sautais surtout parfaitement.

— Vous voyez bien ce fossé-là, dis-je à ma compagne, comme une chose qui devait l’émerveiller ; eh bien, je saute par-dessus.

— Vraiment ? dit-elle d’un air insoucieux. Il me semble bien large.

— Il a quatorze pieds… Je vous réponds que M. Miaud n’en ferait pas autant.

— Il aurait bien raison, répondit-elle ; à quoi cela pourrait-il lui servir ?

Je fus tout étourdi de la réplique. J’avais vu que, lorsque Pizarre conquit le Pérou, un de ses lieutenants, poursuivi par les naturels du pays, avait, à l’aide de sa lance appuyée au fond d’une petite rivière, franchi cette petite rivière, large de vingt-deux pieds.