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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/221

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

avis du complot, et qui lui annonçait qu’il serait assassiné la nuit suivante.

— Ah ! oui, dit Gustave, en effet, même chose a été prédite, il y a vingt-deux ans, au comte de Haga ; mais il n’ajouta pas plus de foi alors à la prédiction que n’y en ajoute aujourd’hui le roi de Suède.

Et, haussant les épaules, il froissa le billet entre ses mains, et le jeta dans la cheminée.

Cependant on assure que, dans la nuit du 14 au 15, Gustave, déguisé, alla consulter la fameuse sibylle Arfredson, laquelle, confirmant la prédiction de la somnambule française et l’avis de la lettre anonyme, lui déclara qu’il devait être assassiné avant que trois jours fussent écoulés.

Soit courage réel, soit incrédulité, Gustave ne voulut rien changer aux projets arrêtés, ni prendre aucune précaution, et, le soir, à onze heures, il se rendit au bal masqué.

La veille, on avait tiré au sort pour arrêter lequel des conjurés devait tuer le roi, Gustave étant si fort détesté de la noblesse, que chacun réclamait le dangereux honneur de porter le coup mortel.

Le sort avait désigné Ankarström.

On assure qu’un des conjurés lui offrit alors une donation, non-seulement des biens qu’il possédait à cette époque, mais encore de ceux qui lui devaient revenir un jour, s’il voulait lui céder sa place. Ankarström refusa.

Le moment venu, comme plusieurs seigneurs étaient vêtus de costumes pareils à celui du roi, Ankarström pensa tout à coup qu’il pouvait se tromper, et tirer sur un autre que Gustave.

Mais le comte de Horn le rassura en lui disant :

— Tirez hardiment sur celui à qui je dirai : « Bonjour, beau masque. » Ce sera le roi.

Il était deux heures du matin ; Gustave se promenait, appuyé au bras de ce même comte d’Essen qu’il avait marié à la fiancée de Ribbing, lorsque le comte de Horn, s’approchant, lui dit :

Bonjour, beau masque.