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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/243

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

temps, son joli visage s’était éclairci peu à peu, et avait fini par me sourire avec le parfum et la fraîcheur d’une fleur qui s’ouvre.

On pourrait dire de cette charmante enfant qu’elle avait le sourire rose.

En même temps que se développaient ces jeunes amours, — qui devaient, hélas ! avoir la durée éphémère des amours de seize ans, — des amitiés qui devaient durer toute la vie, prenaient racine dans mon cœur.

J’ai déjà parlé d’Adolphe de Leuven, arrivé tout à coup pour prendre, en dehors de mes amitiés d’enfance, une place importante dans ma vie. Qu’on me permette de dire un mot d’un autre ami à moi, qui devait achever, en m’ouvrant certains horizons, l’œuvre d’avenir commencé par le fils du comte de Ribbing.

Un jour, on vit passer dans les rues de Villers-Cotterets un jeune homme de vingt-six ou vingt-sept ans, portant, avec une rare élégance, l’uniforme d’officier de hussards.

Il était impossible d’être à la fois plus beau et plus distingué que ce jeune homme. Peut-être même eût-on reproché à son visage quelque chose de trop féminin, si un magnifique coup de sabre qui, sans rien gâter à la régularité de ses traits, commençait au côté gauche du front et finissait à l’angle droit de la lèvre supérieure, n’eût mis sur cette douce physionomie le cachet du courage et de la virilité.

On le nommait Amédée de la Ponce.

Quel hasard, quel caprice, quel besoin l’amenait à Villers-Cotterets ? Je n’en sais rien… Venait-il, en touriste désœuvré, dépenser là ses cinq ou six mille francs de rente ? C’est probable. Ce pays lui plut, il s’y arrêta, et, au bout d’un an de séjour, il devint le mari d’une charmante et douce jeune fille, amie de ma sœur, et que l’on nommait Louise Moreau.

Il en résulta une belle enfant blonde, que je voudrais bien revoir aujourd’hui, et qu’alors nous baptisâmes, à cause de sa douceur, de la blancheur de sa peau et de ses cheveux de lin, du nom de Mouton.

Depuis bien longtemps, je vous ai perdu de vue, mon cher