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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/63

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

On comprend quelle exaspération, dans ce moment de passions violentes, fut la suite de cette mesure. Les officiers en non-activité protestèrent contre elle, et s’engagèrent mutuellement à résister. Forcés par le ministère d’opter entre Paris et leur demi-solde, quelques-uns, quoique pauvres, préférèrent l’indépendance à la soumission.

Le gouvernement, irrité de cette résistance, chercha l’occasion de faire un grand exemple ; elle se présenta.

Une lettre du général Exelmans à Murat avait été saisie et ouverte. Le général félicitait le roi de Naples sur la conservation de sa couronne, et lui disait que des milliers de braves accourraient pour défendre son trône, s’il était encore menacé.

Le maréchal Soult était ministre de la guerre. Il mit à l’instant même le général Exelmans en non-activité, et lui prescrivit de se rendre immédiatement, et jusqu’à nouvel ordre, à soixante lieues de Paris.

Mais Exelmans refusa d’obéir. Le ministre, prétendait-il, n’avait pas le droit d’éloigner de leur domicile les officiers employés non activement.

Le maréchal le fit arrêter, et le déféra à un conseil de guerre, sous la double prévention d’avoir désobéi à son chef, et d’avoir entretenu une correspondance avec les ennemis de l’État.

Le général Exelmans fut acquitté.

Ce fut un coup terrible pour le gouvernement.

Les militaires en non-activité ne lui devaient plus obéissance.

Alors, eux-mêmes comprirent, à cette haine qu’ils avaient pour lui, que la haine qu’il avait pour eux se manifesterait par quelque terrible explosion : ils résolurent de la prévenir.

Un conciliabule fut tenu chez un des généraux les plus compromis par ses opinions napoléoniennes, — chez Drouet d’Erlon, je crois ; — il se composait d’officiers à la demi-solde et d’officiers en activité. Il fut convenu que tout militaire en activité, et ayant un commandement, marcherait à un moment donné sur Paris, avec les soldats dont il pourrait disposer. Cinquante mille hommes devaient se trouver à la fois dans la capitale. ; c’était plus qu’il n’en fallait pour dicter des conditions.