— Oh ! me dit-elle, si on allait découvrir ce que tu viens faire dans cette prison ! si on allait t’arrêter !
— Je ne me laisserai pas prendre, répondis-je en me redressant avec un de ces airs fanfarons qui me rendaient si ridicule, quand j’avais le malheur de les prendre ; ne suis-je point armé ?
Ma mère haussa les épaules.
— Mon ami, me dit-elle, les prisonniers étaient armés aussi, et tu les as vus passer à Villers-Cotterets, chacun entre deux gendarmes.
J’avais bonne envie de répliquer ; mais, comme l’argument de ma mère était plein de sens, je n’eus point le courage de risquer une nouvelle gasconnade.
D’ailleurs, le temps s’écoulait ; il était près de sept heures du soir, et, vu la circonstance, peut-être me serait-il impossible de pénétrer dans la prison, si j’attendais plus tard.
Ma mère jeta un dernier coup d’œil sur moi pour s’assurer que ni pistolets ni rouleau n’étaient visibles ; elle m’agrafa au cou un petit manteau avec lequel on m’envoyait au collège par les mauvais temps, quand il y avait un collège, et nous nous acheminâmes vers la prison.
Quoique ma pauvre mère essayât de cacher son émotion, sa main tremblait dans la mienne. Quant à moi, je n’avais pas même le soupçon que nous courussions un danger quelconque à faire ce que nous faisions.
Nous arrivâmes à la prison. Ma mère frappa à la porte, le guichet s’ouvrit.
— Qui va là ? demanda la voix du concierge.
— Mon cher monsieur Richard, dit ma mère, — autant que je puis m’en souvenir, le brave homme s’appelait Richard, — mon cher monsieur Richard, c’est Alexandre qui vient jouer avec votre fils, tandis que je vais faire une visite.
— Ah ! c’est vous, madame Dumas, dit le concierge ; nous ferez-vous l’honneur d’entrer un instant ?
— Non, merci, je suis pressée ; je reviendrai prendre Alexandre dans une demi-heure.
— Bon ! venez quand vous voudrez.