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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 2.djvu/89

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Seulement, la tête est un peu plus inclinée sur la poitrine.

Est-ce simple fatigue ? Est-ce douleur d’avoir joué le monde et de l’avoir perdu ?

Comme la première fois, en sentant la voiture s’arrêter, il lève la tête, jette autour de lui ce même regard vague qui devient si perçant lorsqu’il le fixe sur un visage ou sur un horizon, ces deux choses mystérieuses derrière lesquelles peut toujours se cacher un danger.

— Où sommes-nous ? demande-t-il.

— À Villers-Cotterets, sire.

— Bon ! À dix-huit lieues de Paris ?

— Oui, sire.

— Allez.

Et, comme la première fois, après avoir fait une question pareille, dans les mêmes termes à peu près, il donna le même ordre et partit aussi rapidement.

Le même soir, Napoléon couchait à l’Élysée.

Il y avait jour pour jour trois mois qu’à son retour de l’île d’Elbe il était rentré aux Tuileries.

Seulement, du 20 mars au 20 juin, il y avait un abîme où s’était engloutie sa fortune.

Cet abîme, c’était Waterloo !


XXXVIII


Waterloo. — L’Élysée. — La Malmaison.

J’ai dit le premier, je crois, que Waterloo était un grand désastre politique, mais un grand bonheur social.

Waterloo est, comme Marengo, une journée providentielle. Seulement, cette fois, au lieu d’être une victoire, c’est une défaite, mais une défaite si providentielle, que nous perdons Waterloo par la même cause qui nous a fait gagner Marengo.

À Marengo, nous sommes battus à cinq heures du soir. Desaix arrive, inattendu de l’ennemi, et, à six heures, nous sommes vainqueurs.