certaines façons avant de le lui avouer. Ma pauvre mère, devinant d’avance quelles passions devaient, un jour, bouillir dans ma tête, ma pauvre mère avait peur que le jeu ne fût une de ces passions-là.
Sur quelques autres points, elle devinait juste ; mais sur celui-là, du moins, elle se trompait complètement.
Je lui contai donc ce qui venait d’arriver : comment les Piranèses avaient rapporté leurs cinquante francs, et comment M. Cartier s’était chargé du voyage.
Mais ces bénédictions du ciel portaient leur tristesse avec elles, car c’était notre séparation.
J’avais beau lui dire que cette séparation ne serait que momentanée, et qu’aussitôt que j’aurais une place de quinze cents francs, elle quitterait à son tour Villers-Cotterets, et viendrait me rejoindre ; une place de quinze cents francs, c’était, aux yeux de ma mère, un eldorado fort difficile à découvrir.
LXX
Un matin, je dis à ma mère :
— As-tu quelque chose à faire dire à M. Danré ? Je vais à Vouty.
— Que vas-tu faire chez M. Danré ?
— Lui demander une lettre pour le général Foy.
Ma mère leva les yeux au ciel ; elle se demandait d’où me venaient toutes ces pensées qui concouraient à un même but.
M. Danré était cet ancien ami de mon père, qui, ayant eu la main gauche mutilée à la chasse, s’était fait conduire chez nous. Là, on se le rappelle, l’ablation du pouce lui avait été