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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/126

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Talma ôtait magnifique plaidant, devant le sénat romain, le refus de la paix, qui est sa condamnation à mort ; Talma était splendide dans ce dernier cri qui, pendant deux cents ans, resta suspendu comme une menace sur la ville de Didon : « À Carthage ! à Carthage ! »

Je rentrai chez moi, cette seconde fois, plus émerveillé encore que la première ; seulement, comme je connaissais mon chemin, je fis l’économie d’un fiacre.

D’ailleurs, c’était à peu près le chemin du général Verdier pour s’en aller au faubourg Montmartre ; il me déposa, en me serrant la main et en me souhaitant bonne chance, au coin de la rue Coquillière.

Le lendemain, à dix heures, je me présentai chez le général Foy. Il demeurait rue du Mont-Blanc, n° 64. Je fus introduit dans son cabinet, et le trouvai travaillant à son Histoire de la Péninsule.

Au moment où j’entrai, il écrivait debout, sur une de ces tables qui se lèvent ou s’abaissent à volonté.

Autour de lui, sur les chaises, sur les fauteuils, sur le parquet, étaient épars, dans une confusion apparente, des discours, des épreuves, des cartes géographiques et des livres ouverts.

En entendant ouvrir la porte de son sanctuaire, le général se retourna.

Le général Foy devait être, à cette époque, un homme de quarante-huit à cinquante ans, maigre, plutôt petit que grand, aux cheveux rares et grisonnants, au front bombé, au nez aquilin, au teint bilieux.

Il portait la tête haute, avait la parole brève et le geste dominateur.

On m’annonça.

— M. Alexandre Dumas ? répéta-t-il après le domestique. Faites entrer.

J’apparus tout tremblant.

— C’est vous qui êtes M. Alexandre Dumas ? me demanda-t-il ?

— Oui, général.