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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/131

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Cela me rappela que je ne l’avais pas même remercié.

Je lui sautai au cou, et l’embrassai.

Il se mit à rire.

— Il y a chez vous un fonds excellent, me dit-il ; mais rappelez-vous ce que vous m’avez promis : étudiez !

— Oh ! oui, général, je vais vivre de mon écriture ; mais je vous promets qu’un jour, je vivrai de ma plume.

— Voyons, prenez-la, votre plume, et écrivez à votre mère.

— Non, général, non ; je veux lui annoncer cette bonne nouvelle de vive voix. C’est aujourd’hui mardi ; je pars ce soir ; je passe avec elle les journées de mercredi, jeudi, vendredi et samedi ; je reviens ici dans la nuit de samedi à dimanche, et, lundi, j’entre dans mon bureau.

— Mais vous allez vous ruiner en voitures !

— Bah ! j’ai compte ouvert chez l’entrepreneur de diligences.

Et je lui racontai comment le père Cartier me devait onze voyages.

— Maintenant, demandai-je au général, que dirai-je de votre part à M. Danré ?

— Ma foi, dites-lui que nous avons déjeuné ensemble, et que je me porte bien.

On apportait une petite table ronde toute servie.

— Un second couvert, dit le général.

— En vérité, général, vous me rendez honteux…

— Avez-vous déjeuné ?

— Non, mais…

— À table ! à table !… Il faut que je sois à midi à la Chambre.

Nous déjeunâmes tête-à-tête. Le général me parla de mes projets à venir ; je lui exposai tous mes plans littéraires ; il me regardait, il m’écoutait avec ce sourire bienveillant des grands cœurs, et il avait l’air de dire : « Rêves d’or ! folles espérances ! nuages empourprés, mais fugitifs, qui glissez sur le ciel de la jeunesse, ne disparaissez pas trop vite du firmament d’azur de mon pauvre protégé ! »

Cher et bon général ! âme loyale ! noble cœur ! vous êtes