Cela me rappela que je ne l’avais pas même remercié.
Je lui sautai au cou, et l’embrassai.
Il se mit à rire.
— Il y a chez vous un fonds excellent, me dit-il ; mais rappelez-vous ce que vous m’avez promis : étudiez !
— Oh ! oui, général, je vais vivre de mon écriture ; mais je vous promets qu’un jour, je vivrai de ma plume.
— Voyons, prenez-la, votre plume, et écrivez à votre mère.
— Non, général, non ; je veux lui annoncer cette bonne nouvelle de vive voix. C’est aujourd’hui mardi ; je pars ce soir ; je passe avec elle les journées de mercredi, jeudi, vendredi et samedi ; je reviens ici dans la nuit de samedi à dimanche, et, lundi, j’entre dans mon bureau.
— Mais vous allez vous ruiner en voitures !
— Bah ! j’ai compte ouvert chez l’entrepreneur de diligences.
Et je lui racontai comment le père Cartier me devait onze voyages.
— Maintenant, demandai-je au général, que dirai-je de votre part à M. Danré ?
— Ma foi, dites-lui que nous avons déjeuné ensemble, et que je me porte bien.
On apportait une petite table ronde toute servie.
— Un second couvert, dit le général.
— En vérité, général, vous me rendez honteux…
— Avez-vous déjeuné ?
— Non, mais…
— À table ! à table !… Il faut que je sois à midi à la Chambre.
Nous déjeunâmes tête-à-tête. Le général me parla de mes projets à venir ; je lui exposai tous mes plans littéraires ; il me regardait, il m’écoutait avec ce sourire bienveillant des grands cœurs, et il avait l’air de dire : « Rêves d’or ! folles espérances ! nuages empourprés, mais fugitifs, qui glissez sur le ciel de la jeunesse, ne disparaissez pas trop vite du firmament d’azur de mon pauvre protégé ! »
Cher et bon général ! âme loyale ! noble cœur ! vous êtes