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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/150

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

comme on continuait d’entrer et qu’une double queue ceignait le théâtre, telle qu’une ceinture dont la porte eût formé l’agrafe, je me plaçai à l’extrémité de celle de ces deux queues qui me parut la moins longue.

C’était la queue opposée à la première que j’avais prise ; elle était moins nombreuse parce que c’était celle des orchestres, des premières galeries, des avant-scènes, et des premières et secondes loges.

Ce fut l’observation que me fit la buraliste quand je demandai un billet de parterre.

Je levai les yeux, et je vis, en effet, sur la planche blanchie, la désignation des places que l’on pouvait prendre au bureau où je me trouvais.

Les places les moins chères étaient les orchestres et les secondes loges.

Orchestres et secondes loges étaient côtés deux francs cinquante centimes.

Je tirai deux francs cinquante centimes de ma poche, et je demandai un orchestre.

L’orchestre me fut octroyé. C’était, de compte fait, cinq francs que me coûtait mon spectacle.

— Mais, bah ! tant pis ! mon dîner ne m’avait rien coûté, et j’entrais, le lendemain, au secrétariat du duc d’Orléans ; je pouvais bien me permettre cette petite débauche.

Je reparus triomphant au contrôle, tenant mon orchestre à la main. Le contrôleur me fit un gracieux sourire.

— À droite, monsieur, me dit-il. Je remarquai que c’était tout le contraire de la première fois.

La première fois, j’avais pris la queue à droite, et j’étais entré à gauche ; la seconde fois, j’avais pris la queue à gauche, et l’on me faisait entrer à droite.

J’en augurai que, puisque je faisais tout le contraire la seconde fois, tout le contraire devait m’arriver de ce qui m’était arrivé la première.

En conséquence, au lieu d’être mal accueilli, je devais être bien reçu.