Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tombé expirant. Ses dernières paroles furent une recommandation à son ami de le coucher sur un tertre baigné des rayons de la lune. Aubray se conforma à cette suprême recommandation ; il coucha le mourant au lieu indiqué ; puis, comme ses yeux étaient fermés, comme son souffle était tari, il se mit à la recherche de ses serviteurs égarés ; mais, lorsque, une heure après, il revint avec eux, le corps avait disparu !

Aubray pensa que les assassins avaient enlevé ce corps pour faire disparaître la trace de leur crime.

Étant revenu en Écosse, il fait annoncer au comte de Marsden la mort de son frère, lord Ruthwen, ainsi que le genre de relations qui les avaient unis dans leurs voyages. Alors, Marsden demande la succession de son frère ; c’est lui qui épousera Malvina, si Malvina veut bien consentir à la substitution. Malvina, qui n’a connu ni l’un ni l’autre, n’oppose point de résistance à la demande du comte de Marsden et aux désirs de son frère. On annonce le comte de Marsden. Malvina éprouve ce léger embarras qui, pareil au brouillard du matin, obscurcit toujours le cœur des jeunes filles à l’approche de leur fiancé. Aubray, joyeux, s’élance au-devant du comte ; mais, en l’apercevant, il jette un cri de surprise. Ce n’est point le comte de Marsden, c’est-à-dire un inconnu, qu’il a devant les yeux ; c’est son ami, c’est lord Ruthwen !

L’étonnement d’Aubray est grand ; mais tout s’explique. Ruthwen n’était pas mort ; il était seulement évanoui : la fraîcheur de la nuit lui a fait reprendre ses sens. Le départ d’Aubray et son retour en Écosse ont été trop prompts pour que Ruthwen pût lui donner de ses nouvelles ; mais, guéri, il est revenu lui-même en Irlande, a trouvé son frère mort, a hérité de son nom et de sa fortune, et, sous ce nom, avec une fortune double de celle qu’il avait, il s’est offert pour épouser Malvina, se réjouissant d’avance de la joie qu’il causerait à son cher Aubray en reparaissant devant lui.

Ruthwen est charmant ; son ami ne l’a point flatté. Il plaît fort à Malvina, qui, de son côté, produit sur lui une si vive impression, que, sous le prétexte d’affaires très-pressées, il