— Ah çà ! sérieusement, est-ce que tu te figures que c’est avec une éducation à trois francs par mois qu’on devient un Corneille, un Racine ou un Voltaire ?
— Si je devenais un de ces trois hommes, je deviendrais ce qu’un autre a été, et ce n’est pas la peine.
— Tu feras mieux qu’eux, alors, n’est-ce pas ?
— Je ferai autre chose.
— Est-ce que tu ne pourrais pas arriver assez près de moi pour que je t’envoie mon pied quelque part, malheureux ?
Je m’approchai.
— Me voici !
— Je crois qu’il s’approche, l’impudent coquin !
— Oui… ma mère m’a dit de vous embrasser pour elle.
— Elle se porte bien, ta pauvre mère ?
— J’espère, du moins.
— En voilà une sainte créature ! Comment diable as-tu pu être mis au monde par cette femme-là ? Allons, embrasse-moi, et va-t’en !
— Adieu, cousin.
Il m’arrêta par la main.
— As-tu besoin d’argent, drôle ?
— Merci… J’en ai.
— Où l’as-tu pris ?
— Je vous conterai cela un autre jour ; ce serait trop long, maintenant.
— Tu as raison ; je n’ai pas de temps à perdre. Fiche-moi le camp !
— Adieu, cousin.
— Viens dîner quand tu voudras à la maison.
— Ah ! oui, merci ! pour qu’on me fasse la mine chez vous.
— Pour qu’on te fasse la mine !… Je voudrais bien voir cela. Ma femme a assez longtemps mangé chez ton grand-père et chez ta grand’mère pour que tu viennes manger chez moi tant que tu voudras… Mais va-t’en donc, animal ! tu me fais perdre tout mon temps.
Le garçon de bureau de M. Deviolaine entra. On le nommait Féresse. Nous le retrouverons plus tard.