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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/21

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

cœur, tous les honnêtes gens n’auraient plus qu’à se brûler la cervelle.

» Baron Dermoncourt. »

La lettre disait peu de chose, et cependant elle disait beaucoup ; ma mère comprit qu’il se tramait quelque chose, et que Dermoncourt était du complot.

Le surlendemain du jour où nous avions reçu cette lettre, voici ce qui se passait à Béfort : suivant le plan des conjurés, le signal partait à la fois de Neuf-Brisach et de Béfort ; à la même heure et le même jour, ou plutôt la même nuit, les deux places prenaient les armes, et arboraient le drapeau tricolore. — Le soulèvement devait avoir lieu dans la nuit du 29 au 30 décembre.

Le gouvernement provisoire serait proclamé à Béfort, puis, ensuite, à Colmar.

Ce gouvernement, nous l’avons déjà dit, se composait de Jacques Kœchlin, du général la Fayette et de Voyer-d’Argenson.

Vingt-cinq ou trente carbonari parisiens avaient reçu l’ordre de partir pour Béfort.

Ils s’étaient mis en route sans hésiter, et devaient arriver le 28 dans la journée.

Le 28, au moment où Joubert, qui les a précédés à Béfort, se dispose à sortir de la ville pour aller au-devant d’eux, il rencontre M. Jacques Kœchlin.

M. Kœchlin le cherchait pour lui apprendre une singulière nouvelle : c’est que M. Voyer-d’Argenson, qui devait former, avec lui et le général la Fayette, le triumvirat révolutionnaire, est bien venu, mais s’est enfermé dans ses usines de la vallée, derrière Massevaux ; que, là, il ne veut recevoir personne, et garde pour lui les instructions qu’il apportait.

— Eh bien, mais que faire ? demande Joubert.

— Écoutez, dit M. Kœchlin, moi, je vais à Massevaux ; je me charge de d’Argenson ; j’en tirerai pied ou aile ; vous, tâchez, par un moyen quelconque, de presser l’arrivée de la Fayette.