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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/238

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

pour le portrait d’un poète en uniforme.

Au Parnasse ou sur le terrain,
En triompher est peu possible :
L’épée en main il est terrible,
Terrible il est la plume en main ;
Et pour se battre et pour écrire,
Nul ne saurait lui ressembler ;
Car, s’il ne se bat pas pour rire,
Il écrit à faire trembler.

Au milieu de toutes ses tribulations, M. Arnault avait toujours adoré les chiens. Sur cinquante de ses fables, plus de vingt ont pour héros ces intéressants quadrupèdes. Au moment où j’eus l’honneur de pénétrer dans le sanctuaire de la famille, la porte en était gardée par une horrible bête, moitié roquet, moitié caniche, ayant nom Ramponneau. De ce chien, M. Arnault ne pouvait se passer ; il l’avait dans son cabinet pendant son travail, dans son jardin pendant ses promenades. Il n’y avait que dans la rue que M. Arnault ne l’emmenait pas, de peur des boulettes.

N. Arnault avait présidé lui-même à l’éducation de son chien, et, sur un certain point, il avait été inexorable. C’était sur les ordures que Ramponneau se permettait de faire dans son cabinet. À peine la vue et l’odorat avaient-ils dénoncé le crime commis, que Ramponneau, saisi par le bas des reins et par la peau du cou, était conduit vers l’endroit où l’incongruité avait été faite, et fustigé d’importance. Après quoi, selon une vieille tradition qui se perd dans l’obscurité des âges, on frottait le nez de Ramponneau dans le corps du délit, opération qu’il subissait avec une répugnance visible.

Ces fautes quotidiennes et la correction qu’elles entraînaient durèrent deux mois à peu près, et M. Arnault commençait à craindre que Ramponneau, qui, du reste, possédait une foule de talents d’agrément, comme de faire le mort, de monter la garde, de fumer la pipe, de sauter pour l’empereur, ne fût inéducable… — J’en demande pardon ! ne trouvant pas le mot