poésie, je crois, qu’il comptait demander ses triomphes. Sa première pièce au théâtre fut une imitation de Roméo et Juliette, de Shakspeare. Je n’ai jamais senti d’émotion pareille à celle que j’éprouvai à la première représentation de cette pièce
Nous fûmes souvent des mois, une année sans nous voir ; mais, lorsque le hasard nous jetait en face l’un de l’autre, du plus loin que nous nous apercevions, nous marchions l’un à l’autre le cœur et les bras ouverts. Peut-être, avant de m’apercevoir, Soulié eût-il autant aimé ne pas me rencontrer ; peut-être, si on lui eût dit : « Dumas vient de ce côté, » eût-il fait un détour ; mais, du moment où il m’avait vu, le courant électrique dominait sa volonté, et il était à moi corps et âme, comme si jamais une pensée jalouse n’eût traversé son esprit.
Il n’en était point de même pour Hugo ni pour Lamartine : il ne les aimait pas, et rarement parlait-il de leur talent d’une façon impartiale.
Je suis convaincu que ce sont les Odes et Ballades de l’un, et les Méditations de l’autre qui conduisirent Frédéric Soulié à écrire en prose.
Oh ! sois tranquille, ami de ma jeunesse, compagnon de mes premiers travaux sérieux, je te peindrai bien tel que tu étais ; je ferai, non pas un buste de toi, mais une statue ; je t’isolerai, je te placerai sur le piédestal de tes œuvres, pour que tous ceux qui ne t’ont pas connu puissent faire le tour de ta pâlissante ressemblance ; car tu es de ces hommes que l’on peut étudier sous toutes les faces, et qui n’ont point à craindre, vivants ou morts, d’être placés en pleine lumière.
Les amitiés de Soulié, à cette époque, étaient, en littérature, Jules Lefèvre et Latouche, — Latouche, avec lequel il se brouilla si cruellement depuis, à propos de Christine ; — dans la vie privée, c’était un grand et gros garçon, nommé David ; il était, à cette époque, et doit être encore aujourd’hui agent de change. Je ne crois pas qu’il ait fait un seul ami à Soulié ; mais je crois qu’en échange, il lui a fait pas mal d’ennemis.
Soulié nous attendait chez lui avec une douzaine d’amis, du