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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/295

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

une robe de chambre, — comme eût fait M. Molé ou M. Fleury, — ayant près d’elle une jolie femme qui l’appelait « mon ami, » et un charmant enfant qui l’appelait « papa. »

Nous n’avons pas connu mademoiselle Raucourt, morte en 1814, et dont l’enterrement fit un prodigieux scandale ; mais nous avons connu la mère, qui est morte en 1832 ou 1833 ; mais nous connaissons encore l’enfant, qui est aujourd’hui un homme de cinquante-cinq ans.

Nous connaissons un autre artiste dont toute la carrière a été entravée par mademoiselle Raucourt, à propos d’une jalousie qu’il eut le malheur d’inspirer à la terrible Lesbienne. Mademoiselle Raucourt se présenta au comité du Théâtre-Français, exposa ses droits de possession et d’antériorité sur la personne que voulait lui enlever l’impudent comédien, et, l’antériorité et la possession étant reconnues, l’impudent comédien, qui vit encore, et qui est un des plus honnêtes cœurs de la terre, fut chassé du théâtre, les sociétaires craignant que, comme Achille, mademoiselle Raucourt, à cause de cette nouvelle Briséis, ne se retirât sous sa tente.

Revenons à la jeune fille, que sa mère ne quittait pas d’un seul instant dans les visites qu’elle rendait à son professeur, — et qui, trois fois par semaine, faisait, pour prendre ses leçons, cette longue traite de la rue Croix-des-Petits-Champs à l’allée des Veuves.

Les débuts furent fixés à la fin de novembre. Ils devaient avoir lieu dans Clytemnestre, dans Émilie, dans Aménaïde, dans Idamé, dans Didon et dans Sémiramis.

C’était une grande affaire, et pour l’artiste et pour le public, qu’un début au Théâtre-Français, en 1802 ; c’était une bien plus grande affaire encore d’être reçue sociétaire ; car, si l’on était reçu sociétaire, — homme, on devenait le collègue de Monvel, de Saint-Prix, de Baptiste aîné, de Talma, de Lafond, de Saint-Phal, de Molé, de Fleury, d’Armand, de Michot, de Grandménil, de Dugazon, de Dazincourt, de Baptiste cadet, de la Rochelle ; — femme, on devenait la camarade de mademoiselle Raucourt, de mademoiselle Contat, de mademoiselle Devienne, de madame Talma, de mademoiselle Fleury, de ma-