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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 3.djvu/297

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Mademoiselle Duchesnois venait de débuter avec le plus grand succès lorsque mademoiselle Georges débuta à son tour.

Puisque j’ai dit que je reviendrais, en temps et lieu, à Lemercier, à Alexandre Duval et à Picard, je vais en finir tout de suite avec Chénier et Ducis, dont je n’aurai peut-être plus l’occasion de parler.

C’était un singulier orgueil que celui de Marie-Joseph Chénier ; j’ai sous les yeux une dizaine de lettres de lui, lettres écrites à propos de Charles IX ; j’en choisis une qui est un modèle de naïveté : elle montrera sons quel point de vue les hommes que certains critiques ont l’audace d’appeler des maîtres, et qui, en effet, peuvent être des maîtres pour eux, elle montrera, dis-je, sous quel point de vue ces hommes envisageaient la tragédie historique.

Cette lettre est adressée à MM. les comédiens français ; elle avait pour but de faire reprendre Charles IX, que ces messieurs ne voulaient absolument pas jouer.

Pourquoi MM. les comédiens français ne voulaient-ils pas jouer Charles IX, puisque Charles IX faisait de l’argent ?

Ah ! je vais vous le dire tout bas, ou plutôt tout haut : c’est parce que Talma y avait un énorme succès…

Voici la lettre :

« Pressé de tous côtés, messieurs, par les amis de la liberté, dont plusieurs sont au nombre des députés confédérés, de faire donner en ce moment quelques représentations de Charles IX, je viens vous inviter à annoncer sur votre affiche, pour un des jours de la semaine prochaine, la trente-quatrième représentation de cette tragédie, indépendamment d’un autre ouvrage que j’ai composé pour célébrer la fête de la Fédération. J’ai cru devoir ajouter, en outre, dans le rôle du chancelier de l’Hospital, quelques vers relatifs à cette auguste circonstance ; car je serai toujours empressé de payer mon tribut civique, et vous, messieurs, vous ne saurez mieux marquer, en cette occasion, votre patriotisme, qu’en donnant la seule tragédie vraiment nationale qui existe encore en France, tragédie dont le sujet est si philosophique, si digne de la scène, au jugement