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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/131

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Son Bon Vieillard avait été refusé au Gymnase ; sa Pauvre Fille avait été refusée au Vaudeville, et son Château de Kenilworth n’avait pas même été lu, — mademoiselle Lévèque n’ayant pas le temps, « en ce moment ici, » de s’occuper d’un nouveau rôle, comme elle avait si élégamment répondu, et la Porte-Saint-Martin ayant reçu un mélodrame sur le même sujet.

Il fallait donc, ainsi que je l’ai dit, pourvoir, en attendant, à un logement qui ne fût pas trop éloigné, et qui ne montât point à un prix trop élevé.

Je me mis en quête, et je trouvai cela faubourg Saint-Denis, no 53, dans la maison attenante à celle du Lion d’argent.

Nous avions, au second, sur la rue, un appartement composé de deux chambres, dont une à cabinet, d’une salle à manger et d’une cuisine.

Nous payions tout cela trois cent cinquante francs, ce qui — nous ne tardâmes pas à nous en apercevoir — était encore fort cher.

Enfin, toutes choses arrêtées, ma mère mit ses meubles au roulage, et arriva, combinant leur arrivée avec la sienne.

Ce fut une grande joie pour nous deux que de nous trouver réunis ; cette joie de sa part n’était pas exempte d’une certaine inquiétude ; elle ne pouvait croire à tous mes projets, espérer toutes mes espérances ; elle avait derrière elle l’épreuve d’une longue et triste, vie, passée toute en déceptions et en douleurs.

Je la rassurai de mon mieux, et, pendant les quatre ou cinq premiers jours, pour lui faire Paris plus doux, j’employai toute mon influence sur M. Oudard, sur M. Arnault et sur Adolphe de Leuven, pour lui procurer des billets de spectacle.

Au bout d’une semaine, nous étions établis dans notre coin, et aussi accoutumés à notre nouvelle vie que si nous ne nous étions jamais quittés. — Au même étage que nous, mais de l’autre côté du palier, logeait un brave garçon d’une quarantaine d’années, employé dans un ministère : on le nommait Despres. C’était un des membres les plus assidus du Caveau ; il faisait des chansons de l’école de Brazier et d’Armand Gouffé ;