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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/172

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

la ressemblance des principes, mais à cause de la différence des intérêts.

Or, qu’importe que l’Angleterre proclame les mêmes principes que la France, si elle a, de par le monde, les mêmes intérêts ?

Qu’importe que la Russie ait des principes opposés, si elle a des intérêts différents ?

Voyons, depuis cent ans, de quelle façon s’est accrue l’Angleterre, et nous reconnaîtrons qu’elle nous a pris, à nous sa voisine et son alliée, tout ce qu’elle a pu nous prendre.

Voyons, depuis cent ans, de quelle façon s’est accrue la Russie, et assurons-nous qu’elle n’a touché à rien de ce qui nous appartenait.

Comptons les colonies de l’une. Mesurons les limites de l’autre.

L’Angleterre, qui, il y a cent ans, n’avait que cinq comptoirs dans l’Inde, Bombay, Singapore, Madras, Calcutta et Chandernagor ; l’Angleterre, qui ne possédait, dans l’Amérique du Nord, que Terre-Neuve, et cette bande de littoral qui s’étend comme une frange de l’Acadie aux Florides ; l’Angleterre, qui ne possédait, au banc de Bahama, que les îles Lucayes ; aux petites Antilles, que la Barbade ; dans le golfe Mexicain, que la Jamaïque ; l’Angleterre, dont la seule station dans l’océan Atlantique équinoxial était Sainte-Hélène, de meurtrière mémoire ; l’Angleterre, aujourd’hui, comme une gigantesque araignée des mers, a accroché sa toile aux cinq parties du monde.

En Europe, elle possède : l’Irlande, Malte, Héligoland, Gibraltar ; — en Asie : la ville d’Aden, qui commande la mer Rouge, comme Gibraltar la Méditerranée ; Ceylan, la grande presqu’île de l’Inde, le Népaul, le Lahore, le Sind, le Béloutchistan et le Caboul ; les îles Singapour, Poulo-Pénang et Sumatra ; c’est-à-dire, cent vingt-deux mille trois cent trente-trois lieues carrées de territoire, nourrissant cent vingt-trois millions d’hommes.

Sans compter, en Afrique : Bathurst, les îles de Léon, Sierra-Leone, une portion de la côte de Guinée, Fernando-Po, l’île de