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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/200

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Il est trop tard ; d’ailleurs, ceux que j’ai guéris n’étaient pas malades de cette maladie-là.

Et il sortit, emportant la dernière espérance de l’impératrice.

Cependant, à dix heures et demie du matin, l’empereur rouvrit les yeux. On attendait avec anxiété pour savoi, s’il parlerait, mais aucune parole ne sortit de sa bouche.

Seulement, il prit la main de l’impératrice, la baisa et la posa sur son cœur.

L’impératrice demeura penchée sur lui, et dans la position qu’il lui avait fait prendre.

À dix heures cinquante minutes, l’empereur expira.

L’impératrice avait le visage si rapproché du sien, qu’elle sentit passer le dernier soupir.

Elle jeta un cri terrible, tomba à genoux, et pria ; puis, comme, sur un signe d’elle, personne, pas même le médecin, n’avait osé s’approcher du corps, quelques minutes après elle se releva plus calme, ferma les yeux de l’empereur, qui étaient restés ouverts, lui serra la tête avec un mouchoir pour empêcher les mâchoires de s’écarter, baisa ses mains déjà glacées, et, retombant à genoux, elle demeura en prière auprès du lit jusqu’à ce que les médecins eussent obtenu d’elle qu’elle se retirât dans une autre chambre, afin qu’ils pussent procéder à l’autopsie.

Pendant cette triste opération, l’impératrice veuve écrivait à l’impératrice mère :

» Notre ange est au ciel, et, moi, je végète encore sur la terre… Hélas ! qui aurait pensé que, moi, faible et malade, je pourrais jamais lui survivre ?… Maman, ne m’abandonnez pas, car je suis absolument seule dans ce monde de douleur ! 

» Notre cher défunt a repris son air de bienveillance ; son sourire me prouve qu’il est heureux, et qu’il voit des choses plus belles qu’ici-bas… Ma seule consolation dans cette perte irréparable est que je ne lui survivrai pas !… »

Et, en effet, six mois après, l’impératrice était morte.