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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/225

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tance du dîner, se chargea elle-même de veiller à ses apprêts et à son service.

On avait invité Rousseau par lettre, outre l’invitation verbale.

Au bas de la lettre, comme on met sur les invitations de bal : « On dansera, » on avait mis : « Il y aura deux bouteilles de vin de Champagne. »

Rousseau n’eut garde de manquer.

Rien ne lui avait plu : ni mélodrames ni vaudevilles.

Ces mélodrames étaient tirés de romans trop connus, où il y avait d’autres mélodrames reçus sous le même titre.

Les vaudevilles étaient faits sur des idées qui traînaient partout.

Il y avait dans ce jugement de quoi désespérer des hommes plus forts que nous.

Cependant, une idée d’Adolphe réconforta notre courage, et consola notre amour-propre.

— Il ne les a pas lus, me dit-il tout bas.

— C’est probable, répondis-je.

Cette quasi-conviction nous rendit un peu de gaieté. Au dessert, je racontai plusieurs histoires, et, entre autres, une histoire de chasse.

— Eh bien, mais, s’écria Rousseau, comment ! vous nous racontez de belles histoires comme celle-là, et vous vous amusez à emprunter des mélodrames à Florian, et des contes à M. Bouilly ; mais il y a, dans l’histoire que vous venez de nous raconter, un vaudeville intitulé ; la Chasse et l’Amour.

— Vous trouvez ? nous écriâmes-nous.

À cette époque, nous ne nous permettions pas encore de tutoyer Rousseau.

— Parbleu !

— Eh bien, mais, si nous le faisions ce vaudeville ?

— Faisons-le ! répétâmes-nous en chœur.

— Un instant, un instant, dit Rousseau ; il reste encore une bouteille de champagne : buvons-la.

— Oui, dit Adolphe, et on en fera monter une troisième pour arroser le plan que nous allons faire immédiatement.