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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 4.djvu/238

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

devrai ; aussi, venez chez moi, et vous verrez son portrait avec celui de ma femme et de mes enfants.

J’ai été depuis chez Porcher, et plusieurs fois même ; cent fois peut-être pour lui demander des services, une fois seulement pour lui en rendre, — et, chaque fois que j’y ai été, mon regard s’est arrêté sur ce portrait de Mélesville que la reconnaissance de cet excellent homme avait, dans son cœur, élevé à la hauteur de celui de sa femme et de ses enfants.

Un jour, Porcher eut je ne sais quoi à demander à Cavé, — c’était du temps que Cavé était directeur des beaux-arts.

Je conduisis Porcher chez Cavé.

— Tiens ! lui dis-je, je t’amène un homme qui a plus fait pour la littérature depuis vingt-cinq ans, que toi, tes prédécesseurs et tes successeurs n’ont fait et ne feront en un siècle.

Et c’était vrai, ce que je disais là.

L’idée ne viendra jamais à un homme de lettres, dans l’embarras, de s’adresser au ministre de l’intérieur ou au directeur des beaux-arts.

Mais l’idée lui viendra de s’adresser à Porcher, et il fera bien.

Chez Porcher, il trouvera bon visage et caisse ouverte, deux choses qu’il ne trouverait certainement pas au ministère de l’intérieur.

J’en appelle à Théaulon, à Soulié, à Balzac morts ; j’en appelle à tous ceux qui vivent.

Depuis vingt-cinq ans, Porcher a peut-être prêté à la littérature cinq cent mille francs.

Aussi, pour mon compte, je suis reconnaissant à Porcher, comme Porcher était reconnaissant à Mélesville, et, quand je vais aujourd’hui chez Porcher, je suis heureux et fier de voir mon portrait trois fois reproduit, en buste, en pastel, en médaille, à côté du portrait des enfants de Porcher.

Mais ce dont je lui suis reconnaissant surtout, c’est de ces premiers cinquante francs qu’il me donna, que je rapportai à ma mère, et qui firent refleurir dans son âme cette fleur du ciel qui commençait à s’y faner : l’espérance !