Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

LA PEYROUSE.

Le ciel est pur, la mer est belle !
Un vaisseau, près de fuir le port,
Tourmente son ancre rebelle,
Fixée au sable, qu’elle mord.
Il est impatient d’une onde
Plus agitée et plus profonde ;
Le géant voudrait respirer !
Il lui faut pour air les tempêtes ;
Il lui faut les combats pour fêtes,
Et l’Océan pour s’égarer.

Silencieux et solitaire,
Un homme est debout sur le pont ;
Son regard, fixé vers la terre,
Trouve un regard qui lui répond.
Sur le rivage en vain la foule,
Comme un torrent, s’amasse et roule,
Il y suit des yeux de l’amour
Celle qui, du monde exilée,
Doit désormais, triste et voilée,
Attendre l’heure du retour[1].

Son œil se trouble sous ses larmes,
Et, pourtant, ce fils des dangers
A vu de lointaines alarmes,
A vu des mondes étrangers :
Deux fois le cercle de la terre,
Découvrant pour lui son mystère,
Des bords glacés aux bords brûlants,
Sentit, comme un fer qui déchire,
La carène de son navire
Sillonner ses robustes flancs.

  1. Madame de la Peyrouse avait promis à son mari de rester voilée jusqu’à son retour ; madame de la Peyrouse a tenu parole, et a gardé son voile jusqu’à la mort.