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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/223

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

térieures aux Arabes, à qui leur religion défend de peindre des images.

Puis l’Alcazar était en même temps l’hôtel de la Monnaie.

M. de Tilly conduisit madame Hugo et ses enfants dans la salle du balancier ; là, pour chacun des enfants, il fit frapper un doublon qu’il leur donna.

Hugo, et ce fut une des grandes douleurs de sa jeunesse, perdit le sien plus tard à Madrid, en le laissant glisser dans la rainure intérieure d’une portière de voiture.

On attendit huit jours un renfort ; on n’osait se hasarder à partir pour Madrid sans une nouvelle escorte ; cette nouvelle escorte arriva, et l’on se mit en route.

À Ségovie, madame Hugo, comme nous l’avons dit, avait, par les soins du comte de Tilly, été logée dans le palais d’un grand d’Espagne.

Dans ce palais, comme dans celui de M. de la Calprenède, tout était en argent : chandeliers, bassins, cuvettes, tout, jusqu’aux pots de chambre.

Un de ces derniers meubles avait séduit madame Hugo par sa forme élégante et originale. C’était un charmant petit bourdalou.

Peut-être m’arrêtera-t-on afin de me demander d’où vient cette assimilation du célèbre élève des jésuites avec un vase de nuit, et pourquoi l’on a donné à un pot de chambre le nom d’un prédicateur. Je le dirai quand j’en aurai fini avec la séduction opérée par un de ces petits meubles sur madame Hugo, et la suite qu’elle eut.

Madame Hugo, séduite, disons-nous, par la forme du charmant bourdalou, avait fait demander au maître de la maison qu’elle habitait la permission de le lui acheter.

Mais, en véritable Espagnol, c’est-à-dire en implacable ennemi de notre nation, le vieux Castillan avait fait répondre que madame Hugo pouvait, si c’était son bon plaisir, prendre et emporter l’objet qu’elle désirait, mais que, quant à lui, il ne vendait rien à des Français.

Comme, dans ce cas, prendre, c’était voler, madame Hugo