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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/24

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Dame ! avait répondu Porcher, une tragédie !… Si c’était un vaudeville, je ne dis pas !… Enfin, faites-la recevoir, et l’on verra.

Faites-la recevoir ! En effet, là était toute la question. Ma mère revint. Cette réponse de Porcher n’était pas de nature à la rassurer.

J’écrivis à M. Deviolaine, priant que ma lettre lui fût remise à son retour, et j’attendis.

Nous passâmes trois jours d’angoisses ; mais, pendant ces trois jours, je restai couché et travaillai incessamment. Pourquoi restai-je couché ? Cela demande explication. Lorsque j’étais au secrétariat, lorsque j’allais au bureau à dix heures du matin pour n’en sortir qu’à cinq heures du soir ; quand j’y retournais à huit heures pour n’en sortir qu’à dix ; quand j’avais fait huit fois par jour le chemin du faubourg Saint-Denis, n° 53, à la rue Saint-Honoré, n° 216, j’étais tellement fatigué, qu’il était rare que je pusse travailler debout. Alors je me couchais et je m’endormais, après avoir préparé mon travail sur la table, à côté de mon lit ; je dormais deux heures, et, à minuit, ma mère me réveillait pour s’endormir à son tour.

Voilà pourquoi je travaillais couché

De ce travail couché j’avais pris une telle habitude, que, longtemps après avoir conquis ma liberté, je continuai de travailler couché, toutes les fois que je faisais du théâtre.

Peut-être cette explication suffira-t-elle pour que les physiologistes se rendent compte de cette espèce de brutalité de passion qu’on a remarquée dans mes premiers ouvrages, et qu’à bon droit, peut-être, on m’a reprochée.

J’y contractai encore une autre habitude, celle d’écrire mes drames en écriture renversée ; cette habitude, je ne l’ai pas perdue comme l’autre, et, encore aujourd’hui, j’ai une écriture pour mes drames et une écriture pour mes romans.

Pendant ces trois jours, j’avançai énormément Christine. Le quatrième jour, je reçus une lettre de M. Deviolaine, qui m’invitait à passer à son bureau.

Je m’empressai de m’y rendre. Cette fois-là, le cœur ne me