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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/277

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Eh bien, avez-vous trouvé un autre hémistiche ?

— Je vous avoue que je n’en ai pas cherché.

— Vous ne trouvez donc pas cet hémistiche dangereux ?

— Qu’appelez-vous dangereux ?

— J’appelle dangereux ce qui peut être sifflé.

— Je n’ai jamais eu la prétention de ne pas être sifflé.

— Soit ; mais il faut être sifflé le moins possible.

— Vous croyez donc qu’on sifflera l’hémistiche du lion ?

— J’en suis sûre !

— Alors, madame, c’est que vous ne le direz pas avec votre talent habituel.

— Je le dirai de mon mieux… Cependant, je préférerais…

— Quoi ?

— Dire autre chose.

— Quoi ?

— Autre chose, enfin !

— Quoi ?

— Dire, — et mademoiselle Mars avait l’air de chercher le mot, que, depuis trois jours, elle mâchait entre ses dents, — dire, par exemple… heu… heu… heu…

Vous êtes, monseigneur, superbe et généreux !


Est-ce que monseigneur ne fait pas le vers comme mon lion ?

— Si fait, madame ; seulement, mon lion relève le vers, et monseigneur l’aplatit. J’aime mieux être sifflé pour un bon vers qu’applaudi pour un méchant.

— C’est bien, c’est bien !… ne nous fâchons pas… On dira votre bon vers sans y rien changer ! — Allons, Firmin, mon ami, continuons…

Vous êtes, mon lion, superbe et généreux !

Il est bien entendu que, le jour de la première représentation, mademoiselle Mars, au lieu de dire : « Vous êtes, mon lion ! » dit ; « Vous êtes, monseigneur ! ».