— Oh ! monsieur, je ne dis pas cela pour vous, me répondit Taylor, puisque je ne connais pas encore votre ouvrage ; mais comprenez-vous quel supplice cela est, d’entendre, tous les jours que Dieu fait, de semblables choses ?
— Tous les jours ?
— Et plutôt deux fois qu’une ! Tenez, voici mon bulletin pour le comité d’aujourd’hui. On nous lit un Epaminondas.
Je poussai un soupir. Ma pauvre Christine était prise entre deux feux croisés classiques.
— Monsieur le baron, hasardai-je timidement, si vous voulez que je revienne un autre jour ?
— Oh ! ma foi, non, dit Taylor, et, puisque nous y sommes…
— Eh bien, lui dis-je, je vais vous lire un acte seulement, et, si cela vous fatigue ou vous ennuie, vous m’arrêterez.
— À la bonne heure, murmura Taylor, vous avez plus de compassion que vos confrères. Allons, c’est bon signe… Allez, allez, je vous écoute.
Je tirai en tremblant ma pièce de ma poche ; elle formait un volume effrayant. Taylor jeta les yeux sur cette immense chose avec un tel sentiment d’effroi, que je m’écriai :
— Ah ! monsieur, ne vous effrayez pas, le manuscrit n’est écrit que d’un côté.
Il respira.
Je commençai.
J’avais les yeux si troublés, que je ne voyais rien ; j’avais la voix si tremblante, que je ne m’entendais pas moi-même.
Taylor me rassura ; il n’était guère habitué à une pareille modestie.
Je repris ma lecture, et j’achevai tant bien que mal mon premier acte.
— Eh bien, faut-il continuer, monsieur ? demandai-je d’une voix faible et sans oser lever les yeux.
— Mais oui, mais oui, dit Taylor ; c’est, ma foi, très-bien !
Je me repris à la vie, et je lus mon second acte avec plus de courage que le premier. Lorsque j’eus fini, ce fut Taylor lui-même qui me demanda le troisième, puis le quatrième, puis le cinquième.