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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 5.djvu/94

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Laffitte ferait peut-être pour moi ce que, dans une circonstance analogue, il avait fait pour Théaulon.

Laffitte me prêterait peut-être mille écus.

J’allai conter ma peine à Firmin, qui me conduisit chez Béranger.

Béranger me conduisit chez Laffitte.

Je mentirais si je disais que M. Laffitte mit de l’enthousiasme à me rendre se service ; mais je mentirais aussi si je ne me hâtais de dire qu’il me le rendit.

Je souscrivis une lettre de change de trois mille francs ; je déposai un double du manuscrit d’Henri III entre les mains du caissier, et je m’engageai d’honneur à rembourser ces trois mille francs sur le prix du manuscrit.

D’intérêts, il n’en fut pas question.

Je sortis de chez Laffitte mes trois billets de mille francs dans ma poche, j’embrassai Béranger, et je courus chez ma mère.

Je la trouvai au désespoir : la nouvelle était déjà parvenue jusqu’à elle. Je tirai de ma poche mes trois billets de mille francs : je les lui mis entre les mains.

C’était deux années de mes appointements.

Je lui expliquai la source de cet argent : elle n’en revenait pas.

Et, cependant, pauvre mère, elle commençait à croire que je n’avais pas tout à fait tort de m’entêter à faire des pièces, puisque, sur le simple manuscrit d’une de ces pièces, on me prêtait mille écus, c’est-à-dire une somme égale à deux années de mes appointements.

Le soir, je racontai l’aventure chez M. Villenave.

M. Villenave me donna tort ; mais, à part lui, tout le monde me donna raison.

Quinze jours après m’avoir rendu ce service, Béranger était condamné par le tribunal de police correctionnelle de la Seine à dix mille francs d’amende et à neuf mois d’emprisonnement, comme auteur de l’Ange gardien, de la Gérontocratie et du Sacre de Charles le Simple.