En un clin d’œil, les chevaux furent dételés, la voiture jetée sur le côté, les moellons dressés en travers de la rue.
— Bon ! dit Arago ; vous n’avez plus besoin de moi ici, et, moi, j’ai besoin ailleurs.
Et, laissant la barricade à la garde de ceux qui avaient aidé à la construire, il traversa le passage Delorme, longea la rue de Rivoli, et arriva au Vaudeville.
On commençait à entrer au spectacle.
— Pas de spectacle quand on se bat ! dit-il ; rendez l’argent à ceux-qui ont payé !
Puis, à ceux qui persistaient à vouloir entrer :
— Pardon, messieurs, dit-il ; mais on ne rira pas au Vaudeville, tandis qu’on pleure dans Paris.
Et il se mit en devoir de pousser la grille.
— Monsieur, demanda une voix, pourquoi fermez-vous le Vaudeville ?
— Pourquoi ?… Parce que je suis le directeur du théâtre, et qu’il me convient de le fermer.
— Oui ; mais cela ne convient pas au gouvernement, et, au nom du gouvernement, je vous ordonne de le laisser ouvert.
— Qui êtes-vous ?
— Parbleu ! vous me connaissez bien…
— C’est possible ; mais je désire que ceux qui nous écoutent et qui assistent à ce débat vous connaissent aussi.
— Je suis M. Mazue, commissaire de police.
— Eh bien, monsieur Mazue, commissaire de police, gare-à vous ! reprit Arago en le serrant contre la grille ! on écrase ici ceux qui ne s’en vont pas !
— Monsieur Arago, demain vous ne serez plus directeur du Vaudeville !
— Monsieur Mazue, demain vous ne serez plus commissaire de police.
— C’est ce que nous verrons, monsieur Arago !
— Je l’espère, monsieur Mazue !
Et, aidé de deux machinistes, Étienne, malgré les efforts du commissaire de police, avait refermé la grille, et, sortant par la porte des acteurs, il avait commencé l’œuvre de la ferme-