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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/110

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Ah ! monsieur, s’écria-t-il, je vous demande bien pardon, car je dois vous avoir fait grand mal !

C’était vrai ; mais il y a des moments où la douleur n’existe pas.

— Ne faites pas attention, lui dis-je, c’est sur l’os.

Il releva la tête.

— Est-ce que vous auriez de l’esprit par hasard ? me demanda-t-il.

— Parbleu ! répondis-je, belle demande ! c’est mon état d’en avoir.

— En ce cas, faites-moi le plaisir de me dire votre nom.

— Alexandre Dumas.

— Ah ! monsieur !… (Il me tendit la main.) Moi, je m’appelle Bixio… Profession : étudiant en médecine. Si je suis tué, voici ma carte, ayez la bonté de me faire reporter chez moi ; si vous êtes blessé, je mets ma science à votre disposition.

— Monsieur, j’espère que votre carte et votre science seront inutiles ; mais n’importe ! je prends l’une et j’accepte l’autre. N’oubliez pas plus mon nom, s’il vous plaît, que je n’oublierai le vôtre.

Nous nous donnâmes une poignée de main. Notre amitié date de là.

Les barricades achevées, nous en confiâmes la garde à ceux qui nous avaient aidés à les faire.

— Maintenant, dis-je à Bixio, où allez-vous ?

— Je vais du côté du Gros-Caillou.

— En ce cas, je vous accompagne jusqu’à la Chambre… Je veux aller voir ce qui se passe au National.

— Comment ! me dit Bixio, vous allez comme cela par les rues avec votre fusil ?

— Mais, lui répondis-je, vous y allez bien, vous, ce me semble ?

— Oui, de ce côté si de la Seine.

— Bah ! je suis en chasseur, et non en combattant.

— Seulement, la chasse n’est pas ouverte.

— Eh bien, je l’ouvre, voilà tout.

Cependant, comme on le voit, je ne me hasardais pas à