— Qu’on me fasse faire, dit le général, et je suis prêt.
— Puis-je répéter cela à mes amis ?
— Vous le pouvez.
— Adieu, général !
Il me retint par le bras.
— Ne vous faites pas tuer…
— Je tâcherai.
— En tout cas, que les choses tournent d’une façon ou de l’autre, faites en sorte que je vous revoie.
— Vous pouvez en être sûr, général, à moins que…
— Allons, allons, dit le général, au revoir !
Et il rentra chez lui.
Je courus chez Étienne Arago, rue de Grammont, no 10. Toute la révolution était chez lui.
La journée avait été rude ; mais, grâce à la librairie de Joubert, grâce à la Petite-Jacobinière de Charles Teste, grâce à Coste, qui avait peut-être dépensé trois ou quatre mille francs en achat de pain et de vin distribués aux combattants, l’insurrection était lancée sur tous les points de la ville.
Je dis à Étienne que j’avais vu le général ; je lui rapportai textuellement ses paroles.
— Allons au National ! dit-il.
Nous allâmes au National.
Taschereau était en train d’y faire un faux sublime ; il créait, avec Charles Teste et Béranger, un gouvernement provisoire composé de la Fayette, de Gérard et du duc de Choiseul.
Il faisait plus : il rédigeait une proclamation qu’il signait de leurs trois noms. Il avait d’abord choisi, comme troisième membre du gouvernement, Labbey de Pompières ; mais Béranger avait fait effacer ce dernier nom pour y substituer celui du duc de Choiseul.
Ainsi, Béranger, après avoir préparé la révolution par ses chansons, y prenait une part active de sa personne. On verra bientôt que c’était surtout par lui qu’elle allait arriver à son dénoûment.
Le lendemain, la liste du gouvernement provisoire devait