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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/144

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Cette nouvelle troupe était commandée par un autre élève de l’École polytechnique nommé d’Hostel.

La répartition faite, on se demanda de nouveau où l’on allait.

— À l’Estrapade ! cria une voix.

— À l’Estrapade ! répétèrent toutes les voix.

Et l’on se précipita vers l’Estrapade.

Nos lecteurs de Paris connaissent la situation de la caserne de l’Estrapade ; on y arrive par une rue étroite et facile à défendre.

On était quatre cents, à peu près. C’était assez, en pareille circonstance, pour attaquer Metz, Valenciennes ou le Mont-Saint-Michel ; mais on s’était si bien trouvé de la négociation de la place du Panthéon, que l’on résolut d’essayer du même moyen rue de l’Estrapade.

Cette fois, ce fut d’Hostel qui se proposa pour négociateur ; il avait, disait-il, des intelligences dans la place. Il s’avança avec un mouchoir à la main, laissant son fusil à l’un de ses hommes.

On parlementait de la rue au premier étage ; c’était bien haut pour s’entendre. D’Hostel résolut de franchir la distance qui le séparait de ses interlocuteurs : tout à coup, on le vit grimper contre la muraille… Comment ?… C’était un miracle pour ceux qui l’avaient vu opérer cette ascension ! D’Hostel était, au reste, un homme très-adroit, et très-renommé à l’École pour sa gymnastique. En un instant, il eut atteint une des fenêtres du premier ; on l’enleva par-dessous les bras, et il se trouva dans la caserne, où il s’engouffra comme ces diables qui passent au théâtre à travers des trappes anglaises.

Dix minutes après, il reparut, vêtu de l’habit et coiffé du bonnet à poil de l’officier, tandis que l’officier, en élève de l’École polytechnique, et le chapeau à trois cornes à la main, saluait le peuple.

Le tour était fait !

La place éclata en vivats et en applaudissements.

Les soldats abandonnaient la caserne et donnaient cent fusils.