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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/190

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de ville, Alexandre de la Borde y entrait de son côté. Quelques-uns de ces hommes qui crient toujours quelque chose criaient : « Vive le préfet de la Seine ! »

Odilon Barrot, dont le nom vient justement de se glisser sous ma plume à propos d’éloquence parlementaire, écrivait à une table ; il était habillé en garde national.

Il leva la tête, s’étonnant que l’ancien préfet de la Seine, M. de Chabrol de Volvic, pût exciter un pareil enthousiasme.

Il reconnut Alexandre de la Borde, et fit un mouvement de surprise.

— Eh bien, oui, c’est moi, dit l’auteur de l’Itinéraire en Espagne avec une naïveté toute spirituelle et surtout toute juvénile qui était un des caractères saillants de sa personnalité ; on vient de me nommer préfet de la Seine.

— Vous ?

— Oui, moi.

— Et qui vous a nommé préfet de la Seine ?

— Est-ce que je sais ?… Un monsieur qui a un chapeau à plumes, un grand sabre et une longue écharpe.

Ce monsieur, c’était le colonel Dumoulin, qui reparaît si exactement à toutes les révolutions avec ce même chapeau à plumes, ce même sabre et cette même écharpe, que je commence à croire que c’est lui qui leur porte malheur.

Odilon Barrot haussa les épaules.

— Vous, dit-il, vous serez de la commune de Paris, comme nous…

Et, à voix basse, il ajouta :

— Et encore !

Il fallait pour entendre ces deux derniers mots, être appuyé, ainsi que je l’étais, sur le dossier de son fauteuil.

Je regardais de là un autre secrétaire qui venait de s’établir en face de lui, comme un pouvoir rival.

C’était M. Hippolyte Bonnetier, secrétaire de la Fayette ; il faisait, en effet, pendant à Odilon Barrot, secrétaire de la commission municipale.

Je n’oublierai jamais l’étrange façon dont M. Hippolyte Bonnetier était armé.