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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/194

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Que dites-vous là, mon brave ? s’écria Étienne en posant la main sur l’épaule de cet homme.

— Je dis qu’ils ont tué mon frère, et que je vais tuer le duc de Chartres aujourd’hui !

Il n’y avait pas de temps à perdre. Étienne s’élance dans le café.

— Pardieu ! dit-il à Bohain, votre domestique vient de faire un beau coup !

— Qu’a-t-il donc fait ?

— Il vient de répandre la nouvelle que le duc de Chartres était prisonnier de votre beau-frère, et voilà une vingtaine de gaillards qui se mettent en chemin pour l’égorger.

— Diable ! firent ensemble Nestor et Bohain, ça ne peut pas aller comme cela.

— Que faire ?

— Charge-toi de les conduire, dit Nestor, mets-toi à leur tête ; retiens-les le plus longtemps possible ; et l’un de nous ira prévenir le général la Fayette du danger que court le prince… On expédiera un homme à cheval à M. Lhuillier, et le duc de Chartres sera remis en liberté avant que toi et tes hommes soyez arrivés à Montrouge.

— Bien ! dit Étienne, mais ne perdez de temps !

Puis, s’élançant à la tête d’un groupe d’une trentaine d’hommes :

— À Montrouge ! cria Étienne Arago ; mes amis, à Montrouge !

Chacun répéta : « À Montrouge ! » et l’on partit pour la barrière du Maine, tandis que Nestor Roqueplan — autant que je puis me le rappeler, c’était Nestor — courait à la place de Grève.

Le Vaudeville se trouvait sur la route de la barrière du Maine : on traversa le jardin du Palais-Royal, puis la place, puis on enfila la rue de Chartres.

Un machiniste était sur la porte du théâtre. Arago lui fit signe de l’œil de s’approcher de lui ; le machiniste comprit le signe, et s’approcha.

Arago eut l’air de recevoir de lui une confidence.