Ils s’adressent donc à vous, par la voix d’un de nos combattants, M. Alexandre Dumas, pour faire un appel fraternel à votre patriotisme et à votre dévouement.
» Tout ce que vous pourrez envoyer de poudre à vos frères de Paris sera considéré comme une offrande à la patrie.
» Le commandant général de la garde nationale,
» La Fayette.
On voit que cette proclamation ne contenait, à tout prendre, qu’un appel au dévouement et au patriotisme. Ce n’était pas tout à fait ce que j’eusse voulu ; mais, enfin, force me fut de m’en contenter.
J’embrassai le général la Fayette, et je descendis quatre à quatre les degrés de l’hôtel de ville.
Il était trois heures de l’après-midi ; les portes de Soissons, ville de guerre, fermaient à onze heures du soir ; il s’agissait d’arriver à Soissons avant onze heures du soir, et j’avais vingt-quatre lieues à faire.
Sur la place, j’aperçus un jeune peintre de mes amis, nommé Bard. C’était un beau jeune homme de dix-huit ans, à la figure calme et impassible comme un marbre du xve siècle.
Il ressemblait au saint Georges de Donatello.
L’envie me prit d’avoir un compagnon de route, ne fût-ce que pour me faire enterrer, si la double prédiction du général la Fayette et du général Gérard se réalisait.
J’allai à lui.
— Eh ! Bard, cher ami, lui dis-je, que faites vous là ?
— Moi ? dit-il. Je regarde… C’est drôle, n’est-ce pas ?
— C’est plus que drôle, c’est magnifique ! Qu’avez-vous fait dans tout cela, vous ?
— Rien… Je n’avais pour toute arme que la vieille hallebarde qui est dans mon atelier.