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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/258

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Ces proclamations, les républicains, eux aussi, les avaient vues.

Ce fut Pierre Leroux qui lut une des premières ; elle était toute fraîche appliquée au mur ; il la décolla et l’apporta chez Joubert, au passage Dauphine.

— Si cela est ainsi, s’écria-t-on d’une voix unanime, tout est à recommencer : rallumons les réchauds, et refondons des balles !

À l’instant même, des émissaires furent chargés de rallier les républicains dispersés ; il y avait, à une heure, séance chez Lointier.

Je n’assistai point à cette réunion. On sait que je courais, pendant ce temps, de l’hôtel de ville chez Laffitte, cherchant cet introuvable gouvernement provisoire dont tout le monde a entendu parler, mais que personne n’a jamais vu.

Je venais de quitter l’hôtel de ville lorsqu’une députation républicaine y arriva ; elle aussi avait rédigé sa proclamation. M. Hubert, ancien notaire, un des hommes les plus honorables que j’aie connus, et qui vient de mourir, laissant toute sa fortune à des hospices, à des établissements de bienfaisance, et aux citoyens poursuivis pour leurs opinions démocratiques, était chargé de présenter cette adresse au général la Fayette.

La voici :

« Le peuple, hier, a reconquis ses droits sacrés au prix de son sang ; le plus précieux de ces droits est de choisir librement son gouvernement ; il faut empêcher qu’aucune proclamation ne soit faite qui désigne un chef, lorsque la forme même du gouvernement ne peut être déterminée.
» Il existe une représentation provisoire de la nation ; qu’elle reste en permanence jusqu’à ce que le vœu de la majorité des Français ait pu être connu. »

On voit que tout le monde prenait au sérieux la fabuleuse et invisible trilogie la Fayette, Gérard et Choiseul.