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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/268

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

présidé à mes études historiques de 1831 et 1832 ; elle m’a inspiré, en 1833, l’épilogue de Gaule, et France.

Béranger s’éloigna.

J’étais resté rêveur. Qu’eût-ce donc été, si j’avais pu prévoir que ce trône, le moins poétique des trônes de la terre, élevé par un poëte en 1830, serait renversé par un poëte en 1848 ? Quel étrange encadrement à ces dix-huit ans de règne que Béranger et Lamartine. !

Je ne fus tiré de ma rêverie que par les murmures qui grondaient autour de moi. Une scène violente s’accomplissait au milieu de ces murmures.

Un ancien secrétaire d’Ouvrard, nommé Poisson, venait d’ouvrir la porte du salon de M. Laffitte, et déclarait, avec des jurons à faire crouler la maison, qu’il ne voulait pas de roi. — C’était l’avis, non-seulement de M. Poisson, mais encore de tous ceux qui étaient là.

Non, je le répète, cette élection ne fut pas populaire au premier abord, et, de l’hôtel Laffitte au Palais-Royal, où je me rendis, suivant en quelque sorte le vol de cette nouvelle, j’entendis plus d’imprécations que d’acclamations.

J’allais au n° 216 pour avoir des détails.

Le duc d’Orléans était au Palais-Royal.

Quant à Oudard, s’il y était, il se tenait invisible.

Mais restaient les portiers et les garçons de bureau, gens fort visibles, gens fort bien renseignés, parce que l’on dit tout devant eux, ne les comptant pour rien ; gens fort bavards, attendu qu’ils veulent conquérir l’importance qu’on ne leur accorde pas.

Puis je dois dire qu’outre les concierges et les garçons de bureau, il y avait là deux ou trois personnes parfaitement informées.

Or, voici ce qui s’était passé, voici ce dont je garantis l’exactitude, voici ce que je défie que l’on puisse nier.

Le duc d’Orléans était rentré le 30, à onze heures du soir, au Palais-Royal.

Suivons-le rapidement pendant les trois jours.

C’est à Neuilly, où le duc d’Orléans passait tous ses étés,