tion, sur la cheminée, et, sans réveiller personne, ils s’en allèrent, ces deux rivaux, bras dessus, bras dessous, comme deux frères !
Te rappelles-tu cela, Hugo ?
Vous rappelez-vous cela, de Vigny ?
Nous fûmes tirés de notre léthargie, le lendemain matin, par le libraire Barba, qui venait m’offrir douze mille francs du manuscrit de Christine, c’est-à-dire le double de ce que j’avais vendu Henri III.
Décidément, c’était un succès !
CXXXVIII
Le lendemain de la première représentation, ou plutôt le soir de la seconde, à une heure du matin, je traversais la place de l’Odéon, passant de la lumière de la salle à l’obscurité de la rue, du bruit des applaudissements d’une salle comble au silence d’un carrefour vide, de l’enivrement à la réflexion, de la réalité au rêve, lorsqu’une tête de femme sortit de la portière d’un fiacre en criant mon nom.
Je me retournai ; le fiacre s’arrêta ; j’ouvris la portière.
— C’est vous qui êtes M. Dumas ? me dit la personne qui était dans le fiacre.
— Oui, madame,
— Eh bien, montez ici, et embrassez-moi… Ah ! vous avez un fier talent, et vous faites un peu bien les femmes !
Je me mis à rire, et j’embrassai celle qui me parlait ainsi.
Celle qui me parlait ainsi, c’était Dorval ; Dorval, à qui j’aurais pu renvoyer ses propres paroles : « Vous avez un fier talent, et vous faites un peu bien les femmes ! »