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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/43

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

distance, renaissait pour lui aussi fraîche la seconde fois que la première.

Grenoble est la ville de l’opposition ; nulle part n’ont germé d’aussi vigoureuses semences de liberté que dans cette cité insoumise, qui brisa, pour en faire hommage à Napoléon, en 1815, les portes qu’on ne voulait pas lui ouvrir ; qui vit, en 1816, guillotiner Didier, Drevet et Buisson, et fusiller vingt-deux conspirateurs, parmi lesquels étaient un vieillard de soixante-cinq ans et un enfant de quinze !

Quarante jeunes gens à cheval et plusieurs voitures sortirent pour aller au-devant du général, le rencontrèrent à une lieue de la ville, et lui firent cortège ; puis, à la porte de France, l’ancien maire, — destitué, sans doute, au milieu de toutes les réactions politiques de l’époque, — l’attendait, et lui présenta une couronne de chêne au feuillage d’argent.

Cette couronne, témoignage de l’amour et de la reconnaissance du peuple, était le résultat d’une souscription à cinquante centimes.

À Vizille, on fit mieux encore, on tira le canon.

Le 5 septembre, ce fut au tour de Lyon de manifester au général une sympathie qui avait tout le caractère d’une ovation.

En effet, une députation fut nommée pour recevoir le général sur les limites du département du Rhône ; cette députation était escortée d’une troupe de cinq cents cavaliers, de mille jeunes gens à pied, et de soixante voitures occupées par les principaux négociants de la ville. — Au milieu de ces voitures était une calèche vide, attelée de quatre chevaux, et destinée au général.

À la porte de Lyon, le général fut harangué par un ancien avocat. Nous ne nous rappelons pas cette harangue plus que libérale ; nous nous rappelons seulement quelques mots de la réponse de celui auquel elle était adressée.

— Aujourd’hui, répondit le général, après une longue diversion de brillant patriotisme et d’espérances constitutionnelles, je me retrouve au milieu de vous dans un moment que j’appellerais critique, si je n’avais reconnu partout sur mon passage, si je ne voyais dans cette puissante cité cette fermeté