France et leur gouvernante, madame de Tourzel, avaient été forcés de s’arrêter eux-mêmes devant les menaces de Drouet, et de descendre de leur voiture pour suivre M. Sausse dans son magasin d’épiceries, qui fut pour eux l’antichambre du Temple.
Madame la duchesse d’Angoulême, qui avait été de ce premier voyage, était du second.
En reconnaissant l’endroit fatal après, trente-huit ans, elle tressaillit, poussa un cri, ne voulut pas donner à la voiture le temps de relayer, et ordonna aux postillons de doubler la poste.
Cette fois, les postillons obéirent ; — le 21 juin 1791, ils avaient refusé.
Cependant, ils ne partirent point si vite qu’on ne pût entendre la duchesse d’Angoulême murmurer quelques paroles imprudentes ; ces paroles, emportées par le vent de la haine, précédèrent la duchesse sur la route ; si bien que, lorsque, arrivé à Nancy, la ville royaliste par excellence, Charles X se montra avec sa famille sur le balcon du palais pour saluer le peuple, des sifflets retentirent à plusieurs reprises, couvrant les rares acclamations qui s’élevaient à chaque salut du roi : le peuple traitait ses princes comme on traite des acteurs qui ont mal joué leur rôle.
Le duc d’Orléans ne perdait rien de vue ; ainsi qu’un chasseur à l’affût, il s’apprêtait à profiter de toutes les fautes du gibier royal chassé par lui.
Aussi, moi qui, familier dans la maison, sentais, pour ainsi dire, battre le pouls de son ambition, je ne faisais aucun doute de ses désirs, que chaque jour écoulé convertissait visiblement en espérances.
J’ai dit que la Chambre s’était ouverte le 2 mars 1830.
J’assistais à cette ouverture.
Au moment où le roi mettait le pied sur la première marche du trône, son pied s’embarrassa dans le tapis de velours qui la couvrait.
Le roi fit un faux pas, et faillit tomber.
Sa toque roula à terre.